Hormis quelques cas particuliers, il est recommandé de ne pas dépasser un taux d'endettement de 35% lorsqu'on contracte un prêt immobilier. Toutefois, avec la remontée des taux et la stagnation des prix, de plus en plus de ménages se retrouvent confrontés à des difficultés financières.
Bien que la question du taux d'usure ait été résolue temporairement, pourquoi certains ménages éprouvent encore des difficultés à obtenir un prêt? Pendant plusieurs mois, le taux d'usure était au centre des préoccupations. En 2022, les taux immobiliers ont augmenté rapidement, mais le taux d'usure n'a été mis à jour que tous les trois mois. Après des semaines de délibération, la Banque de France a finalement modifié sa formule de calcul en début d'année 2023 et actualise désormais le taux d'usure chaque mois. Bien que cela soit bénéfique pour les emprunteurs, cela met en lumière un autre problème, celui du taux d'endettement.
Il est important de rappeler que depuis le 1er janvier 2022, les règles du Haut Conseil de Stabilité Financière sont devenues obligatoires. Ces règles limitent la durée des prêts immobiliers à 25 ans (27 ans pour les biens neufs et en cas de différé d'amortissement) ainsi que l'endettement des ménages à 35% incluant l'assurance. Les banques ont la possibilité d'accorder des prêts au-delà de ce taux d'endettement dans un maximum de 20% de dossiers dérogatoires, sous certaines conditions, notamment pour les primo-accédants qui achètent leur résidence principale. Alors que les taux immobiliers ont augmenté, atteignant 2,82% en février selon les données de CSA Crédit Logement, et que les prix immobiliers ont certes connu un recul, mais restent modérés, de plus en plus de ménages se retrouvent avec un taux d'endettement dépassant les 35%.
Le dernier rapport de Meilleurtaux met en évidence une inquiétante baisse de la part de dossiers finançables sans dérogation, qui chute de 70% à 56% entre janvier 2021 et mars 2023, principalement due à la hausse des taux. Ainsi, en mars 2023, les dossiers non-finançables sans dérogation représentent 45%, contre 30% il y a 2 ans et moins de 35% début 2022.
Maël Bernier, directrice de la communication et porte-parole de Meilleurtaux, a indiqué que si les taux immobiliers actuels augmentaient de 50 points de base, soit environ 3,50%, il y aurait une baisse de 17% des dossiers finançables. Selon le courtier, les dossiers avec un taux d'endettement entre 35% et 40% représentent 13,2% des dossiers, contre 8,1% en janvier 2021, tandis que ceux avec un taux d'endettement supérieur à 40% passent de 22,1% à 30,45% des dossiers sur la même période.
Meilleurtaux donne un exemple concret d'un ménage qui souhaite emprunter 200 000 euros sur une période de 20 ans. En janvier 2021, avec un taux d'emprunt de 1%, la mensualité, y compris l'assurance, était de 976 €. À cette époque, les revenus mensuels nets nécessaires pour obtenir ce montant de crédit avec le taux en vigueur étaient de 2790 €. En janvier 2022, un an plus tard, le taux d'emprunt a augmenté à 1,20%, et la mensualité s'est élevée à 994 €. Pour le même crédit avec la hausse des taux, un ménage devait disposer de revenus nets mensuels de 2840 €. En octobre 2022, quelques mois plus tard, le taux de crédit est monté à 2,50% et la mensualité s'est élevée à 1116 €. À ce moment-là, un couple devait disposer de revenus mensuels nets de 3190 € pour prétendre à ce crédit. Enfin, en mars 2023, avec des taux moyens de 3,20%, la mensualité de crédit atteint 1186 €, et un ménage doit réunir au minimum 3380 € de revenus mensuels nets pour prétendre à ce crédit. Selon Maël Bernier, "il est important de retenir que pour compenser la hausse des taux entre 2022 et 2023, un ménage doit gagner près de 20% de plus".
Un autre exemple illustre cette situation : en janvier 2021, avec des taux à 1%, un couple pouvait emprunter jusqu'à 287 000€. En janvier 2022, avec des taux à 1,20%, leur capacité d'emprunt était réduite à 282 000€, soit une baisse de 5 000€ en un an. En octobre 2022, avec des taux à 2,50%, leur capacité d'emprunt a chuté à 251 000€, soit une perte de 31 000€. Aujourd'hui, en mars 2023, avec des taux moyens à 3,20%, ce même ménage ne peut plus emprunter que 236 000€. Meilleurtaux conclut que "en 2 ans et 2 mois, un couple gagnant 4 000€ nets par mois a perdu un budget de 51 000€".